Il existe des restaurants où l'on se sent
accueilli par une maîtresse de maison. Je me souviens d'un mas
provençal, dont l'intérieur était rempli de petites touches d'attention
enveloppantes: des jeunes pousses de blé mises dans un pot sur chaque
table, pour fêter la nouvelle année, un feu crépitant dans une vieille
cheminée, des couverts, des serviettes, des verres en harmonie de beiges
et blancs. On sentait immédiatement qu'un esprit maternel arrangeait et
pensait la salle, prenant par la main les clients ravis, traités comme
des vieux amis de passage, s'abandonnant aux plaisirs d'une soirée
bercée de bons plats et vins.
Rien de tel chez Da Mimmo. Dans
cette trattoria napolitaine, l'esprit est résolument masculin. La
devanture très anonyme donne directement sur les embouteillages du
boulevard Magenta. Dans sa salle carrée, des tables alignées au cordeau,
des nappes à carreaux rouges et blancs, du verre catégorie incassable,
des solides couverts en inox de cantine. Aucun effort de décoration
autre qu'un service minimum pour vaguement italianiser l'intérieur:
Fernandel en noir et blanc se goinfrant de pâtes, quelques cadres de
type Actor's studio sur des murs vaguement repeints en jaune. L'accueil
est viril: on reçoit torse bombé, regard clair. Un bonjour, un coup de
menton pour indiquer que la réservation est bien prise en compte, puis
direction la table.
La trattoria a du succès - ce samedi soir là,
toutes les tables étaient prises par une clientèle animée, bruyante, en
partie italienne, en grande majorité du quartier. Les deux serveurs
assurent. La cinquantaine burinée, ils tracent lentement leur route à
travers les tables, indifférents aux regards fixes et insistants de
certains clients demandant, main levée depuis cinq bonne minutes, qui
une carafe d'eau, qui un menu. Il y a des priorités dans la vie, non
mais: par exemple, saluer un habitué d'une accolade et d'une claque
sonore sur l'épaule, et prendre de ses nouvelles.
Une fois
obtenue, la carte est relativement courte, avec une offre très classique
de pizzas et de pâtes, et ne s'embarasse pas de descriptions fleuries,
c'est mieux comme ca. Les propositions hors de la carte, crayonnées sur
un tableau noir sont alléchantes: bar grillé, pâtes aux langoustines, à
la truffe noire... Notre oeil s'attarde également sur le bar à
antipasti trônant au milieu de la pièce, d'une variété rare.
La
cuisine est vraiment à la hauteur de l'esprit du lieu : forte, colorée,
avec d'excellents produits de base. Une assiette d'antipasti allant
largement au delà des sempiternels artichauds, tomates séchées et
aubergines. Des spaghettis à l'amatriciana avec de la vraie poitrine de
porc grillée, des tomates fraiches et des tomates en conserve. Un
risotto aux cèpes et grandes langoustines magnifique de texture
onctueuse et de profondeur de goût. Le tout servi dans des portions
proprement gargantuesques: nous avons dû nous avouer vaincus, et, le
souffle court, demander l'addition devant des assiettes non finies, sans
passer par les desserts. Serait-ce le signe secret d'une nécessaire
reddition, les virilités devant s'étalonner et les locaux l'emporter?
En nous raccompagnant vers la sortie, le visage du serveur s'est soudain
éclairé: un sourire franc, une poignée de main d'acier: nous avons le
droit de revenir chez Da Mimmo, et nous y reviendrons.
Et la prochaine fois, je finirai entrée, plat et dessert.
Addition: de 40€ à 50€ par personne (partager une assiette d'antipasti, puis pâtes entre 20€ et 35€)
Da Mimmo39, boulevard de Magenta
Paris 10ème
01 42 06 44 47
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire