Hors des chinatowns parisiens, l’écrasante
majorité des restaurants chinois en France sont de bien piètres
héritiers de leurs glorieux ançêtres. Certes, ils souffrent du manque
d’ingrédients locaux de qualité, mais également de l’absence absolue de
compétence culinaire de leurs propriétaires, commerçants, ouvriers,
paysans ou professeurs avant d’émigrer, rarement restaurateurs ou
cuisiniers. Le dernier coup fatal leur est porté par l’ignorance d’un
grand public satisfait d’arroser son riz de sauce soja bas de gamme et
rassasié de bœuf aux oignons.
Conséquence: le croisement entre
tradition chinoise et terre d’accueil française a engendré une cuisine
paresseuse, d’inspiration vaguement cantonaise, fardée de quelques
ajouts vietnamiens (nems, porc au caramel, poulet sauce citron) et
hérissée d’authentiques horreurs évidemment inconnues dans leur pays
d’origine, comme le chop suey, véritable poubelle légumière recyclée en
plat par la magie d’un coup de wok, ou le digestif offert par la maison,
fond d’alcool de riz de cuisine sentant le déboucheur d’évier.
Ainsi
vivote le Chinois de quartier, toutes ambitions culinaires soldées,
masquant par des voilages salis le vide de sa salle, engagé dans un
pugilat sordide avec les pizzerias voisines pour accueillir quelques
familles prises de flemme un dimanche soir pluvieux.
Dans pareil
panorama, la quête d’une cuisine chinoise raffinée s’annonce difficile,
et notre dernier coup de cœur a été à notre grande surprise pour un
restaurant… japonais.
Ebisu adosse ses deux petites salles
simples, décorées de reproductions de rouleaux peintures de cour, aux
contreforts de l’église Saint Roch. Les tables sont quasi toutes
occupées par des Japonais, plus même que dans les ramen-ya de la rue
Saint Anne toute proche. Le service, tout en attention et discrétion,
est également assuré par des japonaises. Mais la cuisine?
Méfiants
au premier abord, nous avons vite été conquis par l’exécution
parfaitement maîtrisée des plats, la fraîcheur des produits, les
ingrédients d’une qualité nettement supérieure à la moyenne, et
l’absence de graisse ou de sauces lourdes. La cuisson vapeur est à
l’honneur, comme dans le poulet cuit au vin de riz, les couteaux ou le
bar à la ciboulette. Le poulet frit au gingembre y est excellent et,
fait rarissime, ne baigne pas dans l’huile. Les gyozas sont parfaitement
cuits, avec une farce savoureuse, ayant atteint le juste équilibre
entre viande et légumes. On trouve dans la carte des plats rares comme
des liserons d’eau sautés ou du mapo tofu (plat épicé de fromage de soja
et viande hachée).
Bien sûr on pourra toujours faire la moue:
l’éclectisme de la carte, échantillon sans logique de toutes les
cuisines régionales chinoises, les plats un peu trop systématiquement
parfumés au mélange sauce soja-gingembre-ail témoignent d’une
réinterprétation et non d’une cuisine authentique. Mais ne nous trompons
pas de combat : la chuuka ryori, ou cuisine chinoise du Japon,
développée dès le XIXème siècle, a déjà ses lettres de noblesse, et
entre cette vision certes assagie, mais savoureuse et épurée, et les
louchées de graillon et aigre-doux au glutamate qu’on nous sert
habituellement, nous avons choisi notre camp.
Addition : 40€ par personne (plats entre 10 et 20€)
Ebisu
19, rue Saint Roch, Paris 1er
01 42 61 05 90
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