C'était d'un dîner de retrouvailles avec 
des amis venus de loin, il faisait beau à Paris, et encore meilleur, ce 
soir de juin, dans la partie encore calme de la rue Vieille du Temple, 
juste avant que, croisant la rue des Francs Bourgeois, elle ne résonne 
du brouhaha des fêtes et des bars, dont les foules débordent sur les 
trottoirs étroits, le verre à la main.
Ce soir là, nous avons pu 
découvrir, ébahis, un représentant acclamé de la nouvelle génération de 
bistrots, dont le nom claque comme une évidence publicitaire tant il est
 dans l'air du temps, tant il est modeste, clin d'oeil vif et malin, 
onomatopée parfaite du nouveau bistrot: Glou, Glou comme je bois, Glou 
comme je trinque, je mange, je profite de la vie.
Il est vrai 
qu'il y a de quoi profiter: l'établissement et ses quelques tables en 
tek posées sur le trottoir donnent sur le jardin du musée Picasso, et la
 vue plus ouverte sur les facades magnifiques de cet hôtel particulier, 
au milieu du dédale chic des rues étroites du marais, en impose 
sérieusement.
Une fois la porte franchie, le Glou répond aux 
attentes les plus sophistiquées, et revisite, néobidulise et 
post-conceptualise à tour de bras: le bistrot, c'est la convivialité du 
rire gras, les tables collées les unes aux autres, le coude à coude des 
clients eméchés? La salle longue et étroite s'organise autour de deux 
longs plans de travail droits sortis d'un encart de Wallpaper, pour que 
l'on dîne sur le pouce, bonhomme, perché sur de hauts tabourets. Le 
bistrot, c'est de l'ancien, du poli par les années? Et le Glou nous 
donne des jolies pierres apparentes, du contraste avec des couleurs 
vives sur certains murs, de l'escalier en métal ouvrant sur une 
magnifique salle à l'étage,  haute de plafond, dont les grandes fenêtres
 ouvertes permettent de profiter de la vue sur le musée... Le bistrot, 
c'est avant tout une affaire de pinard? Affaire réglée, les vins sont à 
l'honneur, avec propositions crayonnées au tableau, et sélection à la 
carte que l'on sent travaillée, offrant la possibilité rare de prendre 
au verre des bouteilles autrement inabordables. La boustifaille dans un 
bistrot, ce sont des  plats modestes pour accompagner le vin ? La carte 
propose astucieusement des planches de charcuteries, de fromages, 
quelques plats mettant en avant les produits du terroir (thon de l'île 
d'Yeu, cochonaille certes, mais d'iberico, etc.).
Alors peut on se plaindre, pincer du nez, jouer les insatisfaits, quand en plus les prix sont contrôlés? Non,  vraiment, notre
 Glou est joli, bien pensé, parfaitement conçu, à l'image de ses 
clients, trentenaires et quarantenaires propres sur eux et décontractés,
 jouisseurs modernes.  
Et 
pourtant, un léger tiraillement demeure, là, au fond, dans un coin, une 
fois sortis. Un doute comme cette planche de charcuterie, bonne certes, 
mais pas totalement à la hauteur de ce que les appelations d'origine 
laissaient espérer. Comme cette souris d'agneau sèche par endroits, 
comme une daurade à l'orientale sur boulgour correcte mais sans plus. Et
 si cette bonne adresse, ce vrai bon plan astucieux n'était qu'un rêve? 
Une maison de magazine, un décor de télévision, un show room de 
designer? Si les clients n'étaient que des acteurs? Et le marais si 
propret un musée?
Et si je m'enquillais un jambon beurre dans un 
bar à Gentilly, tartiné violemment par un serveur revêche aux doigts 
salis, en regardant défiler les chiffres du Rapido à l'écran, les pieds 
dans les miettes de pain et les sachets de sucre vidés?
Addition: 40€ par personne (plat 20-25€ environ)
Glou
101, rue Vieille du Temple
Paris 3ème
01 42 74 44 32
 
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