Au bout du voyage, du flot pâteux de
véhicules franciliens s'engorgeant le long des parallèles de l'A6 puis
de l'A11, de l'engourdissement des kilomètres autoroutiers, de chaleur
dans l'habitacle quand les vitres sont si froides, de nationales
bretonnes sous la pluie neigeuse une fois la rocade de Rennes
contournée, il y a une sortie, une petite départementale où l'on descend
brièvement les vitres pour respirer l'air glacé, quelques villages vite
traversés, et enfin, la mer.
Nous sommes arrivés au château Richeux, manoir élancé du début du
siècle, posé au milieu des arbres, sur un surplomb dominant la ligne des
flots. D'emblée, un petit détail est allé droit au coeur: à droite de
la bâtisse principale, une petite maison en bois est en fait un four à
pain...
Le bistrot Le Coquillage est totalement intégré à la demeure. La
réception est au pied du magistral escalier. Du bois sombre, quelques
maquettes de bateaux, de grandes portes, une armoire vitrée où sont
rangés des flacons d'huiles parfumées et d'épices. Les salles à manger,
dans un contraste agréable, sont d'un blanc immaculé, mettant en valeur
les fenêtres donnant sur la mer, qu'on devine proche, dehors, dans
l'obscurité.
D'emblée la gentillesse de l'accueil mettent à l'aise: on se sent libre
de piocher dans une carte marine qui donne le tournis: saint jacques
crues au vinaigre celtique, araignée décortiquée à la "poudre des
alizées", barbue aux cumbavas ou solettes aux citrons confits. Le
Coquillage est un appel au voyage, et de nombreux ingrédients cachés
saupoudrent ses assiettes. Si cuisiner aux épices peut être un joli
argument marketing, réussir à équilibrer les saveurs comme le fait ce
bistrot, il est vrai mené par Roellinger, est rare. Ici, pas
d'expérimentation abrupte, d'alliances forcées, de provocations, pas non
plus d'usage éclatant et intensif comme dans de nombreuses cuisines
asiatiques. On sent que cette maison a sa tradition propre pour
incorporer les épices et exprimer leurs arômes, une subtile maîtrise
permettant d'arriver au juste équilibre, celui qu'on croît naturel,
comme si intégrer de la citronnelle et des cumbavas dans une légère
mousse crémeuse allait de soi.
C'est finalement simple: tout est rond et parfait. Les plats certes,
mais aussi l'ambiance distinguée et tranquille, le service accueillant,
le pain odorant tout en croûte craquante et mie profondément ferme, les
vins avec de sages propositions de Vouvray ou Savennières autour de
35-40 euros, la générosité des parfums mais aussi l'abondance dans les
plats, les grandes tables roulantes de fromages bretons et normands et
de desserts proposées à la fin.
En partant le lendemain, nous pouvions contempler avec regret les salles
aux baies vitrées inondées de lumière où l'on lissait les nappes et
préparait les tables pour le service de midi. Il était déjà temps de
tourner le dos à cette maison malouine, qui le temps d'un bref séjour
nous a parlé voyages autant que bonne chère, et de rentrer à Paris.
Addition: 80€ à 100€ par personne (menu à 51€)
Le Coquillage - Les maisons de Bricourt
D155, route du mont Saint-Michel
Saint Méloir des Ondes
02 99 89 64 76
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