samedi 10 octobre 2015

Le Coquillage à Cancale: bonheur pur

Au bout du voyage, du flot pâteux de véhicules franciliens s'engorgeant le long des parallèles de l'A6 puis de l'A11, de l'engourdissement des kilomètres autoroutiers, de chaleur dans l'habitacle quand les vitres sont si froides, de nationales bretonnes sous la pluie neigeuse une fois la rocade de Rennes contournée, il y a une sortie, une petite départementale où l'on descend brièvement les vitres pour respirer l'air glacé, quelques villages vite traversés, et enfin, la mer.

Nous sommes arrivés au château Richeux, manoir élancé du début du siècle, posé au milieu des arbres, sur un surplomb dominant la ligne des flots. D'emblée, un petit détail est allé droit au coeur: à droite de la bâtisse principale, une petite maison en bois est en fait un four à pain...

Le bistrot Le Coquillage est totalement intégré à la demeure. La réception est au pied du magistral escalier. Du bois sombre, quelques maquettes de bateaux, de grandes portes, une armoire vitrée où sont rangés des flacons d'huiles parfumées et d'épices. Les salles à manger, dans un contraste agréable, sont d'un blanc immaculé, mettant en valeur les fenêtres donnant sur la mer, qu'on devine proche, dehors, dans l'obscurité.

D'emblée la gentillesse de l'accueil mettent à l'aise: on se sent libre de piocher dans une carte marine qui donne le tournis: saint jacques crues au vinaigre celtique, araignée décortiquée à la "poudre des alizées", barbue aux cumbavas ou solettes aux citrons confits. Le Coquillage est un appel au voyage, et de nombreux ingrédients cachés saupoudrent ses assiettes. Si cuisiner aux épices peut être un joli argument marketing, réussir à équilibrer les saveurs comme le fait ce bistrot, il est vrai mené par Roellinger, est rare. Ici, pas d'expérimentation abrupte, d'alliances forcées, de provocations, pas non plus d'usage éclatant et intensif comme dans de nombreuses cuisines asiatiques. On sent que cette maison a sa tradition propre pour incorporer les épices et exprimer leurs arômes, une subtile maîtrise permettant d'arriver au juste équilibre, celui qu'on croît naturel, comme si intégrer de la citronnelle et des cumbavas dans une légère mousse crémeuse allait de soi.

C'est finalement simple: tout est rond et parfait. Les plats certes, mais aussi l'ambiance distinguée et tranquille, le service accueillant, le pain odorant tout en croûte craquante et mie profondément ferme, les vins avec de sages propositions de Vouvray ou Savennières autour de 35-40 euros, la générosité des parfums mais aussi l'abondance dans les plats, les grandes tables roulantes de fromages bretons et normands et de desserts proposées à la fin.

En partant le lendemain, nous pouvions contempler avec regret les salles aux baies vitrées inondées de lumière où l'on lissait les nappes et préparait les tables pour le service de midi. Il était déjà temps de tourner le dos à cette maison malouine, qui le temps d'un bref séjour nous a parlé voyages autant que bonne chère, et de rentrer à Paris.

Addition: 80€ à 100€ par personne (menu à 51€)

Le Coquillage - Les maisons de Bricourt
D155, route du mont Saint-Michel
Saint Méloir des Ondes
02 99 89 64 76

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