Il existe des exotismes présentables, 
comme la cuisine thai (ah la citronelle, le piment certes, mais si 
joliment accompagné par des herbes fraîches écrasées, le poisson cuit 
dans une feuille de bananier, les currys légers, mon riz gluant, mon 
bungalow sur ma plage de la mer Adamante, le sourire des gens, c'est le 
petit véhicule qui les rend heureux, n'est ce pas) ou la cuisine 
japonaise (ah le poisson cru, si digeste, le dépouillement des 
préparations, les algues, mon Park Hyatt à Tokyo dans Lost in 
translation, incroyable le mélange de technologie et de tradition, un 
pays vraiment à part, c'est le zen qui les rend heureux, n'est ce pas).
Avec la cuisine thai ou japonaise, on ne peut se tromper, donc 
roulons-nous  tranquillement dans un bien-être "holistique" de 
couverture de magazine: goût et saveurs certes, mais aussi voyages, 
déco, spiritualité en carton, massages -spa-manicure (forfait Wat Pho ou
 shiatsu?) et frasques people, forcément attablés dans des Nobus ou Blue
 Elephants londoniens.
 
Face à de telles vedettes, la cuisine coréenne semble une bien vilaine 
cousine campagnarde fraîchement débarquée: il est vrai que clamer son 
amour de l'ail, du piment et du graillon n'est pas très paillettes.  Et 
certains perdront leur décoiffé à tenter d'extraire un "lifestyle" d'une
 péninsule qui produit frénétiquement écrans plats, frigidaires, 
téléphones mobiles, petits 4x4 ou  super tankers à double coque,  avant 
de nous piquer sa crise nucléaire annuelle comme on part en vacances 
d'été.
Et pourtant on se trompe lourdement, et Samiin nous le prouve. Loin du 
clinquant, mais loin aussi de la rude simplicité des cantines familiales
 coréennes, une incroyable délicatesse imprègne ce restaurant perdu au 
bout de la calme et très cossue avenue de Breteuil, derrière les 
Invalides, nous murmurant une amitié sublimée à la terre, à sa 
fertilité, aux plantes qui poussent là bas, dans ce pays inconnu. Sur le
 trottoir près de la porte d'entrée, une vaste vasque en céramique 
contient de jeunes pousses tendres. L'intérieur, tout en teintes beiges,
 est doucement éclairé par des lampes en papier imitant des grappes de 
courges. Les murs imitent le torchis, des pousses de blé sont exposées 
aux murs. Les plats sont servis dans de la poterie toute simple. 
L'accueil et la cuisine sont à l'avenant: la douceur prédomine, et le 
charme opère.
Car oui, définitivement, la cuisine coréenne offre un rapport magnifié à
 la terre et aux cuissons les plus simples: viande à cuire au barbecue, 
comme  pour le bulgogi, ou riz mélangé à des légumes et des oeufs de 
poisson, terminant sa cuisson dans un bol brûlant, comme pour le 
bibimbab d'oeufs de poisson. Mais elle est également extrêmement 
contrastée, et de là naît le plaisir: de délicats rouleaux de poissons 
crus, des vermicelles de patates douces sautés, une soupe de sésame 
gris, un tartare de boeuf aux pignons de pins, de fines tranches de 
poitrines de porc cuites dans des herbes médicinales, refroidies, à 
rouler dans une feuille de salade avec des légumes crus avant de les 
tremper dans une sauce piquante, et bien sûr des kimchis, dont la saveur
 forte, aillée, acide, piquante, équilibre si bien le riz blanc mangé à 
la cuillère.
Un vrai joli secret entoure cette cuisine et cette adresse. Alors 
laissons d'autres courir après des mirages. Un jour,  il sera peut être 
tendance d'apprécier l'ail ou les saveurs piquantes. Un jour, un très 
onéreux restaurant-bar-boite coréen fera peut-être des ravages dans un 
Londres à nouveau gagné par une bulle financière. Ce jour là, les 
Samiins cachés s'effaceront certainement, ne laissant qu'une trace de 
leurs plantes, leurs poteries, et leurs plats.
Addition: 50€ à 60€ par personne (menus à 35€, 40€)
Samiin
74, avenue de Breteuil
Paris 7ème
01 47 34 58 96
 
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