Manger coréen, c'est souvent aller
s'encanailler: on y va sur un coup de tête, un peu roquet, prêt à
relever le défi d'une cuisine qui mitonne tout à base d'ail et de
piment, provoquant l'effroi du bourgeois: oui, l'ail paysan, l'ail du
bouseux aux effluves si puissantes qu'on évite à tout prix de le
consommer, et, s'il faut vraiment en mettre, dont on fait rissoler une
gousse écrasée avant de vite la retirer et de la jeter au loin. Que dire
du piment, venu d'on ne sait quel pays tropical pour brûler nos
délicates papilles et tordre violemment notre appareil digestif?
Alors pour se faire des frissons, on pousse la porte d'entrée de
cantines aux murs défraîchis par la succession des grillades, offrant
les grands basiques: ailes de poulet frites à l'ail, le fameux barbecue
coréen, souvent du bulgogi, des lamelles de boeuf marinées grillées à
même la table, accompagné de quelques coupelles de kimchi (ces légumes
fermentés dans du piment et de l'ail) et de riz, ou, pour les plus
chastes, le bibimbap, ce grand bol brûlant de riz et de légumes que l'on
touille avec une sauce légèrement piquante avant de l'avaler.
Mais la cuisine coréenne ne peut être réduite à un gros snacking
piquant, et quelques établissements à Paris proposent d'étonnantes
versions plus raffinées
et variées. Gwon's Dining fait partie de cette caste d'heureux élus, et
justifie amplement son motto de "cuisine coréenne fine".
Dès l'abord, Gwon's Dining se distingue du tout venant, en misant sur
une décoration immaculée, toute en transparence et en dépouillement.
L'éclairage, légèrement trop puissant, met cependant bien en valeur de
beaux meubles traditionnels posés ici et là dans cette salle en
longueur, habilement découpée en plusieurs espaces.
La lecture de la carte confirme notre première impression en offrant de
nombreuses propositions méconnues, que nous nous sommes empressés de
goûter: des huîtres frites, compactes, panées et dorées à souhait, du
bossam (de fines tranches de porc cuites aux épices et refroidies, que
l'on mange roulées dans des feuilles de salade avec du kimchi), ici à
rouler dans des feuilles de choux chinois en saumure, un tartare de
boeuf à la poire, un assortiment de poitrine de porc, de tofu et de
kimchi, une marmite de merlan séché au piment, un bibimbap d'orge, le
tout arrosé d'un peu de makgeolli, un vin de riz laiteux aux forts
relents de céréale fermentée, et d'une bouteille de sancerre tirée d'une
carte des vins assez travaillée.
Un petit détail m'a marqué: leur kimchi était visiblement fait maison, à
base d'huîtres fraîches. La saveur marine des huîtres restait
étonnamment présente et s'équilibrait parfaitement avec l'ail et le
piment. Le kimchi servant autant d'accompagnement au riz que
d'ingrédient dans de nombreux plats, c'est toute la carte de Gwon's
Dining qui se trouve ainsi sublimée. Quand on y ajoute la gentillesse de
l'accueil, il n'est pas étonnant que ce restaurant connaisse un succès
mérité, comme le montrent les nombreux expatriés coréens attablés entre
amis ou en famille, y compris un dimanche soir.
Addition: 50€ à 60€ par personne
Gwon's Dining
51, rue de Cambronne
Paris 15ème
01 47 34 53 17
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