samedi 10 octobre 2015

Jipangue: un yakiniku correct

Il y a deux semaines, pour un premier restaurant depuis bien longtemps, une subite et irrépressible envie de viande m'a submergé, et nous nous sommes donc mis à la recherche d'un restaurant... japonais.

J'en vois déjà certains qui haussent le sourcil et ricanent, ceux pour qui manger japonais, c'est déguster pour un prix exorbitant, l'air pénétré, huit sushis dans une assiette trop grande, chuchotant leur bonheur de trouver enfin des lamelles marines d'exception (oursins, abalones, thon gras, vernis) dans le silence d'un salle contemporaine, à peine troublé par les gargouillantes protestations de notre ventre affamé. Ou d'autres qui détournent la tête, écoeurés par le souvenir de trop de menus brochettes avalés avec des collègues à midi, trop de boulettes mollasses d'origine indéfinie à noyer rapidement dans de la sauce soja, trop d'improbables rouleaux de boeuf au fromage liquéfié collant au palais tout l'après-midi.

Ces mécréants se trompent lourdement. La cuisine japonaise sait parfaitement accommoder la viande, ayant emprunté cet art essentiellement à la Chine et la Corée.

De Chine est venu le shabu-shabu, une fondue de grandes tranches de boeuf extra-fines, de légumes, de tofu cuits dans un bouillon clair, que l'on plonge dans des sauces (une à base de sésame, l'autre de yuzu) avant de déguster. Le sukiyaki est une variante extrêmement populaire: les ingrédients sont ici cuits dans un mélange de sauce soja, de vinaigre, de sucre et de sake, avant d'être trempé par chaque convive dans un oeuf cru légèrement battu, puis avalé.

De Corée est venu le yakiniku, le barbecue, où des tranches de viande sont grillées à même la table, sur un plateau spécial ou un gril encastré, le tout accompagné de petites assiettes de légumes piquants fermentés, les fameux kimchis coréens (kimuchi en japonais) dont la saveur extra-forte s'équilibre agréablement avec le riz blanc.

Shabu-shabu et sukiyaki sont des plats de luxe, qui se mangent dans des restaurants assez haut de gamme au Japon, et dans une ambiance digne. Dans mes souvenirs, le yakiniku est beaucoup plus informel, l'alcool y coule à flot entre collègues braillards profitant d'une bonne grillade.

Pour assouvir notre faim, étant parisiens, nous sommes allés chez Jipangue, un restaurant un tantinet vieillot sis dans le 8ème arrondissement, qui a l'insigne avantage de proposer ces plats à des prix relativement abordables (dans un restaurant haut de gamme, le shabu shabu sera vite facturé plus d'une centaine d'euros pour deux). Ayant pris le soin de réserver une table à l'étage (celui spécialement équipé pour les barbecues), nous avons pu profiter d'excellents kimuchis faits maison, n'ayant pas le goût désagréablement métallique et la texture trop molle des kimchis de conserve, puis d'un yakiniku de porc mariné au miso et d'entrecôte de boeuf, et d'un sukiyaki.

La soirée était donc réussie, et la grillade de bonne facture, mais laissait un regret, commun à de nombreux restaurants japonais de Paris (sauf ici, mais tout se paie): des tranches de viande trop fines, véritables feuilles type carpaccio, et qui ne permettent pas vraiment d'en apprécier la texture et le fondant.

Je me souviens encore avec émotion d'une boucherie à Takayama, dont l'étage, bondé, faisait yakiniku. Nous avions le choix entre une dizaine de morceaux de ce fameux boeuf, les plus prisés étant ceux dont la graisse persillait la viande. Les tranches, petites de taille, étaient assez épaisses, coupées un peu comme des tranches de sashimi, et, grillées, étaient d'un onctueux dans la bouche que je n'ai pas retrouvé depuis...

A quand un restaurant de yakiniku proposant de la viande de boeuf d'origine aux caractéristiques similaires au wagyu, le boeuf japonais (pourquoi pas de la Salers...)?

Addition: 50€ par personne

Jipangue
96, rue de la Boétie
Paris 8ème
01 45 63 77 00

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