Il y a deux semaines, pour un premier
restaurant depuis bien longtemps, une subite et irrépressible envie de
viande m'a submergé, et nous nous sommes donc mis à la recherche d'un
restaurant... japonais.
J'en vois déjà certains qui haussent le sourcil et ricanent, ceux pour
qui manger japonais, c'est déguster pour un prix exorbitant, l'air
pénétré, huit sushis dans une assiette trop grande, chuchotant leur
bonheur de trouver enfin des lamelles marines d'exception (oursins,
abalones, thon gras, vernis) dans le silence d'un salle contemporaine, à
peine troublé par les gargouillantes protestations de notre ventre
affamé. Ou d'autres qui détournent la tête, écoeurés par le souvenir de
trop de menus brochettes avalés avec des collègues à midi, trop de
boulettes mollasses d'origine indéfinie à noyer rapidement dans de la
sauce soja, trop d'improbables rouleaux de boeuf au fromage liquéfié
collant au palais tout l'après-midi.
Ces mécréants se trompent lourdement. La cuisine japonaise sait
parfaitement accommoder la viande, ayant emprunté cet art
essentiellement à la Chine et la Corée.
De Chine est venu le shabu-shabu, une fondue de grandes tranches de
boeuf extra-fines, de légumes, de tofu cuits dans un bouillon clair, que
l'on plonge dans des sauces (une à base de sésame, l'autre de yuzu)
avant de déguster. Le sukiyaki est une variante extrêmement populaire:
les ingrédients sont ici cuits dans un mélange de sauce soja, de
vinaigre, de sucre et de sake, avant d'être trempé par chaque convive
dans un oeuf cru légèrement battu, puis avalé.
De Corée est venu le yakiniku, le barbecue, où des tranches de viande
sont grillées à même la table, sur un plateau spécial ou un gril
encastré, le tout accompagné de petites assiettes de légumes piquants
fermentés, les fameux kimchis coréens (kimuchi en japonais) dont la
saveur extra-forte s'équilibre agréablement avec le riz blanc.
Shabu-shabu et sukiyaki sont des plats de luxe, qui se mangent dans des
restaurants assez haut de gamme au Japon, et dans une ambiance digne.
Dans mes souvenirs, le yakiniku est beaucoup plus informel, l'alcool y
coule à flot entre collègues braillards profitant d'une bonne grillade.
Pour assouvir notre faim, étant parisiens, nous sommes allés chez
Jipangue, un restaurant un tantinet vieillot sis dans le 8ème
arrondissement, qui a l'insigne avantage de proposer ces plats à des
prix relativement abordables (dans un restaurant haut de gamme, le shabu
shabu sera vite facturé plus d'une centaine d'euros pour deux). Ayant
pris le soin de réserver une table à l'étage (celui spécialement équipé
pour les barbecues), nous avons pu profiter d'excellents kimuchis faits
maison, n'ayant pas le goût désagréablement métallique et la texture
trop molle des kimchis de conserve, puis d'un yakiniku de porc mariné au
miso et d'entrecôte de boeuf, et d'un sukiyaki.
La soirée était donc réussie, et la grillade de bonne facture, mais
laissait un regret, commun à de nombreux restaurants japonais de Paris
(sauf ici,
mais tout se paie): des tranches de viande trop fines, véritables
feuilles type carpaccio, et qui ne permettent pas vraiment d'en
apprécier la texture et le fondant.
Je me souviens encore avec émotion d'une boucherie à Takayama, dont
l'étage, bondé, faisait yakiniku. Nous avions le choix entre une dizaine
de morceaux de ce fameux boeuf, les plus prisés étant ceux dont la
graisse persillait la viande. Les tranches, petites de taille, étaient
assez épaisses, coupées un peu comme des tranches de sashimi, et,
grillées, étaient d'un onctueux dans la bouche que je n'ai pas retrouvé
depuis...
A quand un restaurant de yakiniku proposant de la viande de boeuf
d'origine aux caractéristiques similaires au wagyu, le boeuf japonais
(pourquoi pas de la Salers...)?
Addition: 50€ par personne
Jipangue
96, rue de la Boétie
Paris 8ème
01 45 63 77 00
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