samedi 10 octobre 2015

Lao Lane Xang II: quand la foule a raison

Nous sommes allés chez Lao Lane Xang II, appâtés par les critiques unanimement élogieuses, et tiraillés par l'envie de replonger, le temps d'une soirée, dans l'atmosphère joyeusement bordélique du chinatown du XIIIème. Franchi le carrefour de Tolbiac, le long des avenues parallèles de Choisy et d'Ivry, sous la canopée des marronniers, l'illusion d'une télé-transportation « là-bas » est totale: les tours résidentielles des années 1970, le flot des passants, les traiteurs et leurs canards laqués suspendus en vitrines, les agences immobilières ou de voyages, les disquaires et libraires dans les galeries marchandes aveugles, les boulangers et leurs énormes gâteaux mousseux plâtrés à la crème blanche, les supérettes et l'odeur fade et écoeurante des durians; tout tourbillonne autour de l'épicentre absolu du quartier, les Frères Tang, ce grand hangar jouant au supermarché, et sa longue file de voitures paralysées et klaxonnantes, cherchant désespérément à entrer dans son parking souterrain gratuit le dimanche après-midi.

Ce qui est frappant dans ce quartier, c'est qu'il est tout sauf chinois, ou plutôt, il est chinois de partout, sauf de Chine: ses habitants sont en majorité ethniquement chinois (du Guangdong), mais ils étaient établis depuis des générations en Asie du sud-est, avant d'émigrer en France, chassés par l'avancée du communisme: ils ont amenés dans leurs bagages les goûts et les odeurs du Vietnam, du Laos, du Cambodge, la citronnelle, la menthe, le nuoc-mam, plus que les raviolis et petits pains de Pékin, les plats braisés à la sauce soja épaisse de Shanghai, ou le feu des piments du Sichuan.

Pas étonnant finalement qu'en dehors de l'imputrescible Sinorama, dernier vaillant défenseur de l'authentique cuisine cantonnaise, les meilleurs plans du quartier soient plutôt de traquer un phô, de poursuivre le bobun ou d'attaquer un poulet à la citronnelle.

Et chez Lao Lane Xang II, le terrain de chasse est incontestablement giboyeux.

Le restaurant est moderne, un peu comme ces cafés de boulevard systématiquement relookés à la sauce Habitat, où triomphent écrans plats et panneaux de particule gris, mais dans ce cas précis c'est loin d'être irritant, notre ami se distinguant ainsi agréablement de ses innombrables collègues aux décors désuets. L'accueil est pressé car le succès du lieu est total: sans réservation, y compris un lundi soir, il est inutile d'espérer entrer, et plusieurs services tournent sur chaque table.

La carte, essentiellement laotienne avec quelques ajouts thai, est un sans-faute: des currys très honorables, des tripes croustillantes, onctueuses et poivrées, des brochettes de porc à la citronnelle vraiment grillées et non baignées dans l'huile comme trop souvent, un « lap nua » (salade au boeuf haché) plein de saveurs, des propositions de légumes originales: pousses de bambous fraîches, cai lan sauté au poisson séché.

En goûtant les plats, nous avons vite compris que la foule faisant la queue jusque sur le trottoir, et les critiques unanimes, étaient dans le vrai: on peut difficilement demander plus que des plats copieux, peu onéreux, et goûteux.

Addition: environ 30€ par personne

Lao Lane Xang II
102, avenue d'Ivry
Paris 13ème
01 58 89 00 00

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