Je crois y être allé une première fois il y
a plus de quinze ans pour un de ces grands déjeuners de famille où, à
l'occasion d'une visite d'amis venus du pays, l'on se réunit autour
d'une table ronde au plateau tournant débordant de plats pour ripailler.
Le Sinorama était déjà à l'époque une des rares références de cette
frange non négligeable de parents des communautés asiatiques qui,
fanatiques du bien manger, se méfient pourtant comme peste des
restaurants chinois de la capitale.
« gras, huileux », « sale et salé », « cher et pas bon », « attention,
on ne sait pas quels produits frelatés ils utilisent » sont les termes
qui reviennent en boucle lorsqu'il s'agit d'aller au restaurant, traçant
en creux les contours des vraies valeurs de la cuisine chinoise
familiale: des plats simples, beaucoup de légumes, de la cuisson vapeur,
du tofu, des vitamines, du riz complet, du fait maison, par cette même
main maternelle inquiète qui réceptionne d'improbables compléments
alimentaires envoyés par une cousine californienne, graines germées
inconnues à saupoudrer sur son riz, gélules d'oligo-éléments cueillis
sur mars, concentrés d'algues refoulant le port à marée basse à avaler
au réveil, tous ces petits plus censés aider à mener la bonne vie, celle
faite de levers à l'aube et de durs labeurs.
Le Sinorama, ou « Da Jia Le » en chinois, a réussi l'exploit d'obtenir
une mention « passable » de la part de ces mères fanatiques de vie
saine. Son secret? Une carte authentiquement cantonnaise, exécutée dans
la pure tradition, ne cédant rien aux (dé)goûts occidentaux: salades de
méduse, langues et pattes de canard, intestins de porc, tripes, oeufs
fermentés ou oeufs de cane salés, concombre amer, poitrine de porc bien
grasse en marmite tiennent leur rang à côté de propositions plus
consensuelles comme des dims sums, de la rôtisserie, des légumes sautés à
la sauce d'huitre ou à la sauce XO, servis croquants comme il se doit,
et même des soupes de riz, les fameux congees que l'on dévore au petit
déjeuner ou tard le soir, assis sur un tabouret en plastique dans les
ruelles de Hong-Kong.
Les années ont passé et le décor, moderne et fonctionnel, n'a pas bougé.
Les plats du jour inscrits en chinois sur des banderoles rouges collées
aux murs intriguent toujours les clients occidentaux. Le service est
toujours aussi expéditif. Est-ce le fait qu'il y ait un peu moins de
monde? Que le premier Sinorama, situé presque en face avenue de Choisy,
soit désormais remplacé par un bien vilain Fujirama débitant du sushi
industriel? Les plats m'ont semblé un petit peu moins vifs qu'avant.
Mais ne nous trompons pas de combat: le Sinorama continue à porter beau,
et à défendre avec acharnement les couleurs d'une authentique cuisine
chinoise.
Addition: 30 à 40 euros par personne
Sinorama
23, rue du Docteur Magnan
Paris 13ème
01 53 82 09 51
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